L’histoire supplantée par la mémoire :
Le Régiment Normandie-Niémen est certainement l’unité de l’aviation française la plus connue en France et à travers le monde. Cette renommée découle de la double nature de l’unité : celle d’être avant tout une unité combattante, mais aussi une unité de propagande au service de la politique du Général de GAULLE. Elle est aussi l’unité militaire française qui a le plus contribué au rétablissement de l’indépendance nationale, non pas par son rôle militaire, mais par le levier diplomatique qu’elle offrit au Général de GAULLE. Grâce à sa présence sur le front soviétique, le Général possédait un fabuleux contrepoids pour contrecarrer des alliés anglo-saxons pas toujours loyaux et toujours prompt à l’évincer. Une première fois lors du débarquement en Afrique du Nord, le 8 novembre 1942, en mettant en place l’Amiral DARLAN, puis le Général GIRAUD. Une seconde fois lors du débarquement en Normandie, dont il fut tenu à l’écart et par la tentative de mise en place du Gouvernement Militaire Allié des Territoires Occupés – AMGOT. C’est à dire une administration militaire d’occupation comme se sera le cas un an plus tard en Allemagne. Pour éviter que la France ne fut reléguée au rang d’une nation vaincue, le général de Gaulle ne put compter, dans cette partie de poker géopolitique, que sur la carte soviétique. La conférence de Dumbarton Oaks (du 21 septembre au 7 octobre 1944), durant laquelle, les USA, la Grande-Bretagne, l’URSS et la Chine jetèrent les bases de l’ONU, dont celle du conseil de sécurité, fut un nouvel affront pour la France. Le 9 Novembre, de Gaulle fit part, à Bogomolov Ambassadeur d’URSS en France, de son intention de se rendre à Moscou pour négocier un pacte d’alliance. Le 10 décembre, fut signé le Traité d’Alliance Franco-Soviétique marquant le retour de la France dans le concert des grandes nations, ce qui lui permis de siéger l’année suivant au Conseil de Sécurité de l’ONU. Cette politique préfigure, celle d’équilibre que mettra en place 20 ans plus tard le Président de GAULLE et qui pour lui était la seule garantie de l’indépendance nationale.
Le retour en France du Normandie-Niémen, le 29 juin 1945, mis en scène tel un triomphe antique, par le cabinet du Ministre de l’Air communiste Charles TILLION, fit dans une France composée d’un quart de communistes et d’un autre quart de Gaulliste entrer le Régiment dans la légende.
Ci-dessus : Caricature réalisée lors du Sommet de Yalta, illustrant l’aigreur du Général de Gaule face à son éviction de la table de négociation. Néanmoins, c’est lors de cette conférence que l’affront de celle de Dumbarton Oaks fut effacé et le principe de la participation de la France au Conseil de Sécurité des Nations Unis acceptée.
Ci-dessus : Retour du Normandie-Niémen au Bourget le 29 juin 1945.
Son historique est publié dès le 7 Novembre 1945 dans les pages de la revue « l‘Aviation Française » éditée par l’Office Français d’Editions (à lire sur l’excellent site de Joseph BIBERT). Il sera ensuite repris en 1946, sous forme d’un best-seller que tous les passionnés d’histoire aéronautique s’arrachent encore aujourd’hui. Pour le rendre plus lisible de nombreux détails alourdissant le récit ont été supprimés, d’autres moins favorables ont été volontairement omis, conduisant à une vision déjà romancée des faits historique.
Dès le début des années 1950, l’histoire laisse place à la mémoire avec la parution de l’excellent ouvrage de Roger SAUVAGE « Un du Normandie-Niémen« . Son immense succès, entraina avec de moins en moins de rigueur la publication d’autres récits de pilotes.
Ci-dessus : couverture de l' »Histoire de l’escadrille Normandie-Niémen », publié en 1946.
Ci-dessus : Couverture (signée DECHANET) de la première éditions de l’ouvrage « Un du Normandie-Niémen » paru en 1950. Certainement le meilleur ouvrage de mémoire publié par un pilote du régiment.
Au fil des aléas de la Guerre Froide, le Normandie-Niémen fut utilisé comme un lien diplomatique informel entre Paris et Moscou. Cette diplomatie mémorielle, prenant :
– soit dès 1953, une forme funéraire allant, du rapatriement des pilotes enterrés sur le sol soviétique, aux pires dérives (faux Jean TULASNE (1963), double scandales de Byvalka (1998-2018));
– soit la forme d’une œuvre cinématographique fictionnelle franco-russe (J.DREVILLE Normandie-Niémen 1960);
a peu à peu éloigné le Normandie-Niémen des faits historiques réels, ces derniers cohabitant avec les pires supercheries, ouï-dires.
C’est ainsi que lors des « Dossiers de l’écran », du 17 janvier 1968, fut affirmé qu’il existait un ordre ordonnant de fusiller les pilotes français sur le front russe, alors qu’en réalité, il devait être remis à Vichy pour être jugé.
La publication de 1972 à 1974, par la revue « Icare », de six numéro consacrés au Régiment peut-être considéré comme le point d’orgue d’un quart de siècle de littérature mémorielle consacrée au Normandie-Niémen.
Cette dernière, de part son origine, c’est à dire écrite par des anciens combattants et de part son contexte historique, celui de la Guerre Froide, se caractérise par une absence de référence au contexte diplomatique et historique. Il eut été en effet malheureux d’écrire en pleine Guerre Froide que la France devait tant à l’ennemi soviétique et si peu aux alliés anglo-saxons. Toujours pour les mêmes raisons, le rôle de la VVS (aviation soviétique) est toujours reléguée au second plan, les pilotes français se présentant toujours comme très supérieurs à leurs homologues soviétiques, informations toujours réconfortante en cas de futur conflit Est-Ouest.
Durant ces 80 années un seul auteur s’est attelé à réaliser un travail historique digne de ce nom : Christian Jacques ERHENGARDT. Le présent site, lui est dédié ainsi qu’à tous les pilotes du Régiment.
Les archives soviétiques
Parallèlement à ces envolées mythologiques tricolores, le gouvernement russe a dans le cadre du 75éme Anniversaire de la Victoire numérisé et mis en ligne une grande partie des archives militaires et diplomatiques de la Grande guerre Patriotique. Ce fabuleux travail sera à la base du présent site, qui se propose de mettre en parallèle la mémoire et les archives soviétiques, française et allemande.
Le savoir à la porté de tous
Jacques LEGORFF disait que l’histoire était la science la plus accessible, la plus ouverte aux travaux amateurs. Annie LACROIX-RIZ, quant à elle, nous prévient que l’on n’est pas historien si on ne se confronte pas aux archives.
Alors pour les russophones, qui souhaitent se plonger directement dans l’histoire brute, cliquez sur le bouton pour accéder aux archives militaires soviétiques via le site pamyat-naroda (Mémoire du Peuple)